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del Fiore ; mais, comparés aux personnages de Paul Véronèse et du Tintoret (je choisis exprès des peintres sans idéal), ils ont déjà quelque chose de sec, d’étroit, de raisonnable, de fidèle aux convenances, d’inexaltable, en un mot. Ils sont beaucoup plus près de la véritable civilisation et infiniment plus loin de ce qui m’inspire de l’intérêt dans un homme. Bernardino Luini, le grand peintre des Milanais (vous souvenez-vous des fresques de Sarono ?), est certainement très-froid, mais ses personnages ont l’air de petits Werther si vous les comparez aux gens sages des fresques de la Nunziata (chefs-d’œuvre d’André del Sarto). Afin que l’Italie offrît tous les contrastes, le ciel a voulu qu’elle eût un pays absolument sans passions : c’est Florence. Je cherche en vain dans l’histoire du dernier siècle un trait de passion dont la scène soit en Toscane. Rendez un peu de folie à ces gens-ci, et vous retrouverez des Pierre Marenghi allant à la nage incendier les vaisseaux ennemis. Qui eût dit, en 1815, que ces Grecs si souples, si obséquieux envers les Turcs, étaient sur le point de devenir des héros ?

Milan est une ville ronde et sans rivière jetée au milieu d’une plaine parfaitement unie, et que coupent cent ruisseaux