Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le crois sans peine, la population la plus singulière et la plus spirituelle de toute l’Italie. Ce sont peut-être, dans leur condition, les gens les plus civilisés du monde. À leurs yeux, la religion est beaucoup plus une convenance sociale à laquelle il serait grossier de manquer, qu’une croyance, et ils n’ont guère peur de l’enfer.

Si l’on veut consulter l’échelle morale, on les trouvera fort au-dessus des bourgeois à quatre mille livres de rente et à tête étroite qui garnissent les salons des sous-préfectures de France ; seulement la conscription n’excitait pas chez nous le même désespoir qu’en Toscane. Les mères suivaient leurs fils en hurlant jusque dans les rues de Florence, spectacle vraiment hideux. C’était, en revanche, un spectacle comique que la sévérité du préfet, M. Fronchet, déconcertant d’un mot les petits moyens employés par l’avarice des chambellans de la princesse Elisa, pour être dispensés de faire un homme.

Les tableaux des grands peintres de l’école de Florence m’ont conduit, par un autre chemin, à la même idée sur le caractère national. Les Florentins de Masaccio et du Ghirlandajo auraient l’air de fous s’ils se présentaient aujourd’hui au grand café à côté de Santa Maria