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droite, cannelées, d’ordre corinthien, et hautes de vingt-cinq à trente pieds. Il faut, pour les admirer, un œil accoutumé déjà à séparer les ruines de la vénérable antiquité de toutes les petitesses dont les a surchargées la puérilité moderne. Une ruine devrait être entourée d’une grille de fer comme un carré de fleurs au jardin des Tuileries, et, si elle tombe, raffermie avec des crampons de fer ou par un éperon de briques peint en vert foncé, comme on m’a dit qu’on l’a pratiqué au Colysée, à Rome. L’église de San Lorenzo, bâtie derrière les seize colonnes antiques, m’a amusé par sa forme originale.

Un petit bossu qu’on m’a fait voir a, ce me semble, un vrai talent pour l’architecture. La porte de Marengo (débaptisée par les ultrà du pays) est belle, sans être copiée de l’antique, tandis que la Bourse de Paris, ne sera qu’une copie d’un temple grec. Or il ne pleut en Grèce que pendant un mois, et à Paris il pleut deux cent fois par an. Cette aveugle imitation de l’an-Lique, qu’on appelle classicisme dans les lettres, l’architecture pourra-t-elle jamais s’en débarrasser ? Une Bourse, calculée d’après les convenances de notre climat pluvieux, serait laide à voir ; ne vaut-il pas mieux produire du beau à tort ou à raison ?