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malheureux custode de monuments publics.

Pour ne citer aussi que les morts parmi les voyageurs compteurs de colonnes, cherchez les voyages de M. Millin en Italie. M. Millin étant à Rome, en 1806, je crois, rentre chez lui désespéré. « Qu’avez-vous ? lui dit un savant qui se trouvait là. — Ce que j’ai ! ce que j’ai ! Denon est ici ; savez-vous ce qu’il dépense par jour ? cinq cents francs. Je suis un homme perdu. Que va dire Rome de moi ? »

2 novembre. — Madame M. V***, qui ressemble en beau à la charmante Hérodiade de Léonard de Vinci, et chez qui j’ai découvert un tact parfait pour les beaux-arts, m’a dit hier à une heure du matin : « Il fait un beau clair de lune, je vous conseille d’aller voir le Dôme (la cathédrale), mais il faut vous placer du côté du Palazzo Regio. »

J’y ai trouvé le plus beau silence. Ces pyramides de marbre blanc, si gothiques et si minces, s’élançant dans les airs et se détachant sur le bleu sombre d’un ciel du Midi garni de ses étoiles scintillantes, forment un spectacle unique au monde. Bien plus, le ciel était comme velouté, et d’accord avec les rayons tranquilles d’une belle lune. Une brise chaude se jouait dans