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le talent de couper ces sortes de procès-verbaux par des systèmes puérils en style emphatique sur l’origine des monuments, sur le passage de la civilisation des Égyptiens aux Étrusques, et des Étrusques aux Romains, à l’instant ces mêmes nigauds vous trouvent admirable.

Que de périls à parler de mœurs ! Les nigauds qui ont voyagé diront : Cela n’est pas vrai, car j’ai passé cinquante-deux jours à Venise, et je ne l’ai pas vu. Les nigauds casaniers diront : Cela est indécent, car l’on n’en agit pas ainsi rue Mouffetard.

Un voyageur anglais, homme d’esprit, nommé John Scott, vient d’être tué en duel pour avoir imprimé un certain paragraphe. C’est dommage ; il était en passe de parvenir aux premiers honneurs littéraires de son pays ; il venait de faire la conquête de tous ses compatriotes qui ont mal au foie, en publiant un voyage en France où il nous accable d’injures. Les héritiers de John Scott lui ont joué le mauvais tour d’imprimer le journal d’un voyage à Milan, auquel il travaillait. Ce journal n’est encore orné d’aucun mensonge. C’est la base tout nue du voyage futur. On y voit que John Scott n’a parlé absolument, à Milan, qu’à des garçons de café, à son maître d’italien, et à quelque