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30 octobre. — Tout ce que je puis dire des habitudes morales ou de la manière d’aller à la chasse du bonheur en Italie, je ne le sais que par des récits qui ont pu être trompeurs. Ces choses-là ne se voient pas avec les yeux de la tête, comme disait Napoléon. Supposez que le mur mitoyen qui sépare votre cabinet de la maison voisine devienne tout à coup transparent, vous verrez une scène entre une femme et deux hommes qui ne vous intéressera point. Vous ignorez ce que ces gens-là sont les uns pour les autres. Que l’on vous conte leur histoire, l’avant-scène de la conversation visible à cause du mur transparent, et peut-être serez-vous vivement touché.

J’ai entrevu quelques scènes ; mais j’avoue que je ne sais que par des récits tout ce qui les rend intéressantes pour moi. Les nigauds qui, en voyageant, ne parlent qu’aux garçons d’auberge, aux ciceroni, à la blanchisseuse et à leur banquier, pendant l’unique dîner qu’ils en reçoivent, me taxeront d’exagération, de mensonge, etc., etc. Je les engage à fermer le livre.

Combien l’on est plus inattaquable en se bornant, comme tous les voyageurs, à compter les tableaux d’une galerie ou les colonnes d’un monument ! Mais, si l’on a