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reuse de son mari, et ne prend intérêt à personne, on dit, en haussant les épaules : É una sciocca (c’est une oie), et les jeunes gens la laissent se morfondre sur sa banquette. J’ai vu ce soir, ou j’ai cru voir toutes les nuances des différents degrés d’intérêt. La belle figure du jeune comte Botta, en regardant madame R*** exprimait fort bien l’amour avant la déclaration. On dit en France qu’un amant heureux joue un pauvre rôle au bal ; pour peu qu’il soit passionné, il se voit le public pour rival. À Milan, on ne l’oublie qu’une heure, pour la revue des toilettes.

Il faut au moins dix lignes en français pour louer une femme avec délicatesse. Je ne dirai donc rien des grâces et de l’esprit à la Narbonne de madame Bibin Catena. Madame C*** m’a fait voir bien des physionomies jalouses vers les deux heures. Le comte N***, désespéré, a quitté le bal. La femme qu’il sert (che serve) l’a cherché avec anxiété dans les huit ou dix salles où l’on jouait, dans les salles à demi éclairées par des lampes d’albâtre, où l’on se reposait ; ensuite, une tristesse frappante s’est emparée de cette belle figure ; elle ne s’est plus intéressée à rien, et, pour pouvoir rendre compte de sa soirée, elle est allée se placer à une table de jeu à côté de gens connus per avere altre amicizie (pour être