Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, I, 1927, éd. Martineau.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si beaux et si bien dessinés m’ont semblé manquer quelquefois d’esprit ; le fier, l’ingénieux, le piquant, s’y lisent rarement.

Les têtes de femmes, au contraire, présentent souvent la finesse la plus passionnée réunie à la plus rare beauté. La couleur des cheveux et des sourcils est d’un magnifique châtain foncé. Elles ont l’air froid et sombre jusqu’à ce que quelque mouvement de l’âme vienne les animer. Mais il ne faut point chercher la couleur de rose des têtes de jeunes filles et d’enfants anglais. Au reste, j’étais peut-être le seul, ce soir, à m’apercevoir de l’air sombre. J’ai vu, par les réponses de Madame G***, l’une des femmes les plus spirituelles de ce pays, que l’air riant et conquérant que l’on trouve souvent au bal, en France, passerait ici pour une grimace. On se moquait fort de quelques femmes de marchands du second ordre qui se donnaient des yeux brillants pour avoir l’air de s’amuser. Je soupçonne pourtant que les belles Milanaises ne dédaigneraient pas cet air-là, si elles ne devaient passer qu’un quart d’heure au bal. Après quelques minutes, l’air qu’une femme donne à sa figure devient grimace, et dans un pays méfiant, la grimace doit être le comble du mauvais goût. N’êtes-vous