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commission di ornato, gens considérables, se moquent de lui dans les conversations. Chez ce peuple né pour le beau, et où d’ailleurs parler politique est dangereux ou désespérant, on s’occupe un mois de suite du degré de beauté de la façade d’une maison nouvelle. Les habitudes morales de Milan sont tout à fait républicaines, et l’Italie d’aujourd’hui n’est qu’une continuation du moyen âge. Avoir une belle maison dans la ville donne plus de considération que des millions en portefeuille. Si la maison est remarquable par sa beauté, elle prend tout de suite le nom du propriétaire. Ainsi, l’on vous dit : Les tribunaux sont telle rue, dans la casa Clerici.

Faire bâtir une belle maison confère à Milan la véritable noblesse. Depuis Philippe II, le gouvernement a toujours été regardé ici comme un être malfaisant qui vole quinze ou vingt millions par an ; on se moquerait fort des gens qui prétendraient défendre ses mesures ; ce ridicule excessif ne serait même pas compris. Le gouvernement n’a absolument aucune prise sur l’opinion. Il va sans dire qu’il y a eu exception pour Napoléon de 1796 à 1806, époque où il renvoya le corps législatif, pour lui avoir refusé l’impôt de l’enregistrement des actes. De 1806 à 1814, il n’eut pour lui que les riches et les nobles.