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il me comprendra. Mais Saint-Lambert, l’auteur des Saisons, le courtisan de Stanislas, l’amant trop heureux de madame du Châtelet, eût trouvé ce pays-ci affreux.

25 octobre. — Ce soir, une femme brillante de beauté, de finesse, d’enjouement, madame Bibin Catena, a bien voulu essayer de m’apprendre le taroc. C’est une des grandes occupations des Milanais. C’est un jeu qui n’a pas moins de cinquante-deux cartes grandes chacune comme trois des nôtres. Il y en a une vingtaine qui jouent le rôle de nos as, et qui l’emportent sur toutes les autres ; elles sont fort bien peintes, et représentent le pape, la papesse Jeanne, le fou, le pendu, les amoureux, la fortune, la mort, etc. Il y a d’ailleurs, comme à l’ordinaire, quatre couleurs (bastone, danari, spade, coppe), les cartes portent l’image de bâtons, de deniers, d’épées et de coupes. M. Reina, l’un des amis auxquels m’a présenté madame G***, me dit que ce jeu a été inventé par Michel-Ange. Ce M. Reina a formé l’une des belles bibliothèques de l’Europe ; il a, de plus, des sentiments généreux, chose singulière et que je ne me souviens pas d’avoir jamais vue réunie à la bibliomanie. Il fut déporté aux bouches du Cattaro en 1799.