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ne songe à imiter un modèle ! Un Anglais me disait à Londres, en me parlant de sa maîtresse avec ravissement : « Il n’y a chez elle rien de vulgaire ! » Il me faudrait huit jours pour faire comprendre cette exclamation à un Milanais ; mais, une fois comprise, il en rirait de bien bon cœur. Je serais obligé de commencer par expliquer au Milanais comme quoi l’Angleterre est un pays où les hommes sont parqués et divisés en castes, comme aux Indes, etc., etc.

La bonhomie italienne ! Mais c’est à pouffer de rire, diront mes amis du faubourg Poissonnière. Le naturel, la simplicité, la candeur passionnée, si je puis m’exprimer ainsi, étant une nuance qui se mêle à toutes les actions d’un homme, je devrais placer ici une description en vingt pages de diverses actions que j’ai vues ces jours-ci. Cette description, faite avec le soin convenable et l’exactitude scrupuleuse dont je me pique, me prendrait beaucoup de temps, et trois heures viennent de sonner à l’horloge de San Fedele. Une telle description semblerait incroyable aux trois quarts des lecteurs. J’avertis donc seulement qu’il y a ici une chose singulière à voir ; la verra qui pourra ; mais il faut savoir le milanais. Si jamais le grand poëte Béranger passe en ce pays,