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8 octobre. — Je ne sais pourquoi l’extrême beauté m’avait jeté hier soir dans les idées métaphysiques. Quel dommage que le beau idéal, dans la forme des têtes, ne soit venu à la mode que depuis Raphaël ! La sensibilité brûlante de ce grand homme aurait su le marier à la nature. L’esprit à pointes de nos artistes gens du monde est à mille lieues de cette tâche. Du moins, s’ils daignaient s’abaisser quelquefois à copier strictement la nature, sans y rien ajouter de roide, fût-il emprunté du grec, ils seraient sublimes sans le savoir. Filippo Lippi, ou le frère Ange de Fiesole, quand le hasard leur faisait rencontrer une tête angélique comme celle de lady Fanny Harley, la copiaient exactement. C’est ce qui rend si attachante l’étude des peintres de la seconde moitié du quinzième siècle. Je conçois que M. Cornelius et les autres peintres allemands de Rome les aient pris pour modèles. Oui ne préférerait Ghirlandajo à Girodet ?

20 octobre. — Si je ne pars pas d’ici dans trois jours, je ne ferai pas mon voyage d’Italie, non que je sois retenu par aucune aventure galante, mais je commence à avoir quatre ou cinq loges où je suis reçu comme si l’on m’y voyait depuis dix ans. L’on ne se dérange plus pour moi, et la