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goûter l’expression fine des nuances de sentiment. Au moins, c’est ce que vient de me dire M. de Brême.

7 octobre. — J’oubliais ce qui m’a le plus frappé hier au concert de madame Catalani ; j’ai été pendant quelques minutes immobile d’admiration ; c’est la plus belle tête que j’aie vue de ma vie, lady Fanny Harley. Raphaël, ubi es ? Aucun de nos pauvres peintres modernes, tout chargés de titres et de cordons, ne serait capable de peindre cette tête ; ils y voudraient placer l’imitation de l’antique ou le style, comme on dit à Paris, c’est-à-dire donner l’expression de la force et du calme à une figure qui est touchante précisément à cause de l’absence de la force. C’est par l’effet de l’air facile à émouvoir, et par l’expression naïve de la grâce la plus douce, que quelques figures modernes sont tellement supérieures à l’antique. Mais nos peintres ne pourraient pas même comprendre ce raisonnement. Que nous serions heureux de pouvoir en revenir au siècle des Ghirlandajo et des Giorgion (1490) ! Nos artistes alors seraient au moins en état de copier la nature comme au miroir ; et que ne donnerait-on pas d’un miroir où l’on verrait constamment les traits de lady Fanny Harley telle qu’elle était ce soir !