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ce sestetto chanté par mademoiselle Fabre, Remorini, Bassi, Bonoldi, etc., et pendant quarante représentations, six minutes font passer sur une heure d’ennui. Il n’y a rien de choquant dans le reste de l’opéra, mais il n’y a rien. Alors, on fait la conversation dans les deux cents petits salons, avec une fenêtre garnie de rideaux donnant sur la salle, qu’on appelle loges. Une loge coûte quatre-vingts sequins ; elle en coûtait deux cents ou deux cent cinquante, il y a six ans, dans les temps heureux de l’Italie (règne de Napoléon, de 1805 à 1814). Napoléon a volé à la France la liberté dont elle jouissait en 1800 et ramené les jésuites. En Italie, il détruisait les abus et protégeait le mérite. Après vingt années du despotisme raisonné de ce grand homme, ces gens-ci eussent peut-être été dignes des deux chambres.

Je vais dans huit ou dix loges ; rien de plus doux, de plus aimable, de plus digne d’être aimé que les mœurs milanaises. C’est l’opposé de l’Angleterre ; jamais de figure sèche et désespérée. Chaque femme est en général avec son amant ; plaisanteries douces, disputes vives, rires fous, mais jamais d’airs importants. Pour les mœurs, Milan est une république vexée par la présence de trois régiments allemands et obligée de payer trois millions à