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réputation dans cet opéra. L’accent, de la nature a été saisi par le maestro et reconnu avec transport par le public.

La Fabre, jeune Française, née ici, dans le palais du prince, et protégée par la vice-reine, a une belle voix, surtout depuis qu’elle a vécu avec le célèbre soprano Velluti. Elle est à ravir dans certains morceaux passionnés. Il lui faudrait une salle moins vaste. Du reste, on la dit amoureuse de l’Amour. Je n’en doute plus, depuis que je lui ai vu chanter Stringerlo al pello, au second acte, au moment où elle apprend que son époux qu’on avait entendu fusiller est sauvé. Un des confidents du ministre avait fait distribuer aux soldats des cartouches sans balles. Circonstance singulière et touchante, à la représentation de ce soir, tout le théâtre est intéressé[1]. Quand la Fabre est distraite ou fatiguée, rien de plus commun ; dans un sérail, ce serait un grand talent. Elle a vingt ans ; même mauvaise, je la préfère infiniment à ces chanteuses sans âme, à mademoiselle Cinti, par exemple.

Bassi est excellent : ce n’est pas l’âme qui lui manque, à celui-là ! Quel bouffe divin s’il avait un peu de voix ! Quel feu !

  1. Madame la maréchale Ney était au spectacle. On parvient à la faire sortir avant le moment où l’on entend le feu de peloton qui exécute la sentence.