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gens qui pensent à l’argent. La musique, au contraire, a encore un peu de ce feu créateur qui anima successivement, en ce pays, le Dante, Raphaël, la poésie, la peinture, et enfin les Pergolèse et les Cimarosa. Ce feu divin fut allumé jadis par la liberté et par les mœurs grandioses des républiques du moyen âge. En musique, il y a deux routes pour arriver au plaisir, le style de Haydn et le style de Cimarosa : la sublime harmonie ou la mélodie délicieuse. Le style de Cimarosa convient aux peuples du Midi et ne peut être imité par les sots. La mélodie fut au plus haut point de sa gloire vers 1780 ; depuis, la musique change de nature, l’harmonie empiète et le chant diminue. La peinture est morte et enterrée. Canova a percé, par hasard, par la force de végétation que l’âme de l’homme a sous ce beau climat ; mais, comme Alfieri, c’est un monstre ; rien ne lui ressemble, rien n’en approche, et la sculpture est aussi morte en Italie que l’art des Corrège : la gravure se soutient assez bien, mais ce n’est guère qu’un métier.

La musique seule vit en Italie, et il ne faut faire, en ce beau pays, que l’amour ; les autres jouissances de l’âme y sont gênées ; on y meurt empoisonné de mélancolie, si l’on est citoyen. La défiance y