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plus dans telle maison ? — Mi secco », répond-il (Je m’y ennuie).

Excepté les fournisseurs, actuellement occupés à duper le gouvernement papal et à lui prêter de l’argent à dix-huit pour cent par an, je ne vois personne à Bologne qui rende des devoirs. Quelle immense source d’ennui ils ont de moins que nous !

« Vous alliez tous les jours dans telle maison, dit-on à un Italien ; d’où vient qu’on ne vous y voit plus ? — La fille est morte, répond-il, la mère est devenu bigote, e mi secco. » Tant tenu, tant payé, dès qu’on s’ennuie quelque part on n’y va plus. Cette conduite ne fait pas l’éloge de la reconnaissance ; mais à tout prendre, cela diminue la masse de l’ennui existant chez un peuple. Qui veut avoir du monde est obligé à n’être pas dolent. À Paris l’on étouffe, par le manque d’air dans les salons les plus à la mode ; à Bologne, le jour suivant l’étouffade, l’homme opulent ne verrait personne dans son salon. Ce manque d’oxygène donne de l’humeur pour une soirée, et l’on connaît ici le prix d’une soirée. Le jeu est agréable, parce qu’on n’y est point poli ; on s’emporte et l’on fait charlemagne. On voit des gens riches et nullement avares fous de plaisir pendant un quart d’heure, parce qu’ils ont gagné quatre jolis sequins d’or. Ils quittent