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soignée, occupation chérie de l’être flegmatique et vaniteux, dans le Nord, sont ici le plus pénible devoir. Hier je suis rentré chez un fat avec lui, à huit heures du soir ; il voulait s’habiller pour venir avec moi chez madame B***, aimable Française aveugle ; jamais il n’en a eu le courage, et je l’ai accompagné directement chez sa maîtresse, où je l’ai rejoint une heure après. La grande affaire du héros de Bond-Street est de clouer une affectation à l’action la plus simple. Cette action a-t-elle quelque importance, il ne songe qu’à se donner l’air de la mépriser. Passé Milan, je n’ai plus vu ce genre-là. Ici les beaux jeunes gens sautent des fossés à cheval ; mais ils mettent toute la joie et l’importance possible à bien sauter[1].

  1. Ce n’est qu’en voyage ou lorsque les accidents sont à redouter que l’Italien descend aux précautions ; mais alors les précautions ne le distraient pas de sa rêverie ou de sa passion, elles deviennent l’objet de sa passion. L’auteur a besoin de toute l’indulgence du lecteur ; souvent on trouvera des contradictions apparentes, telles que celle-ci, et même des fautes plus graves. L’auteur n’avait pas six volumes à sa disposition en traçant ces notes rapides. Il a fort peu de mémoire : ce voyage n’est donc qu’un recueil de sensations, où les doctes pourront relever mille erreurs. La malle de l’auteur a été visitée vingt et une ou vingt-deux fois. L’aspect d’un livre irrite le douanier, qui est censé savoir lire, et qui se voit tancer trois fois par mois pour avoir laissé passer un Compère Matthieu sous le faux titre de Vie de saint Ambroise. À la douane de Mendrisio, je fis cadeau de tous mes livres au douanier étonné. Dans chaque ville, j’achète sept à huit volumes, qu’en partant je dépose chez le maître de l’hôtel.