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spectre. Deux de ces bûcherons auxquels j’ai parlé chez M. R*** sont les plus madrés du monde ; on voit, s’il s’agit de faire un marché, qu’ils connaissent le cœur humain mieux cent fois que nos paysans français. Mais depuis six siècles le caractère national est empoisonné par les moines mendiants. Ici, une jeune femme qui rencontre un moine, s’arrête pour lui baiser la main ! J’ai vu cent fois ce spectacle et les yeux brillants du moine. Le spectre dont je parlais, après avoir été l’occasion de plus de cent messes, fut tué d’un coup de fusil ; car c’était un aigle de première grandeur qui cherchait à enlever des chevreaux. Ces bûcherons, si fins, n’avaient pas reconnu un aigle.

Je tremble pour le sort futur de l’Italie. Ce pays aura des philosophes comme Beccaria, des poëtes comme Alfieri, des soldats comme Santa Rosa ; mais ces hommes illustres sont à une trop grande distance de la masse du peuple. Entre l’état actuel et le gouvernement de l’opinion, il faut un Napoléon, et où le prendre ?

M. de Metternich a raison (une raison de barbare si vous voulez) ; mais il ne ment pas en avançant que le gouvernement de l’opinion ou des deux Chambres n’est pas un véritable besoin pour l’Italie ; ce n’est un besoin que pour quelques âmes géné-