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sans doute force sottises ; car madame D***, impatientée, me prend à part et me dit : « J’ose compter sur votre parole d’honneur ; jurez-moi que tant que vivra monsignore Codronchi, vous ne soufflerez mot du manuscrit que je vous remettrai demain matin à dix heures. »

Je n’ai garde de manquer à ce rendez-vous quoiqu’il n’y eût point de tasse de café à busquer. J’emporte précieusement chez moi un volume carré, petit in-4°, écrit avec de l’encre jaune ; car l’Italie ne sait pas faire de l’encre, mais elle sait l’employer. Il est impossible de montrer plus de finesse, et surtout de moins parler en vain, que l’auteur de la vie anecdotique de monsignore Codronchi, grand aumônier du royaume d’Italie, sous Napoléon. Jamais une phrase vague, jamais de ces considérations générales et mortelles, par lesquelles nos petits historiens nous font si cruellement payer le plaisir d’avoir eu des hommes de génie. Dans les quatre cents pages du manuscrit, il n’y a pas un en effet ou un d’ailleurs inutile. Je conclus deux choses de ma lecture :

1o  Jamais, hors de l’Italie, on ne se doutera de l’art nommé politique[1] ;

  1. Manière d’amener les autres à faire ce qui nous est agréable, dans les cas où l’on ne peut employer ni la force ni l’argent.