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À Bologne, je n’oserais pas dire qu’Astley fait des bottes mieux que Ronchetti ; c’est un fameux cordonnier du pays, connu par son amour pour les tableaux et sa conduite ferme envers Murat, qui lui avait dit qu’on ne pouvait le chausser qu’à Paris, et auquel, en revanche, il ne voulut jamais faire qu’une botte. Le roi, après l’avoir essayée, demandant la seconde : « Sire, faites-la faire dans votre Paris, » répliqua Ronchetti.

La moindre critique imprimée contre le poëte ou le sculpteur de sa ville met l’Italien en fureur, et cette fureur s’exhale par les injures les moins nobles. L’Italie étant le jardin de l’Europe et possédant les ruines de la grandeur romaine, chaque année voit éclore huit ou dix voyages plus ou moins médiocres à Paris, à Londres ou à Leipzig ; ce sont huit ou dix sujets de rage pour ces patriotes chatouilleux. Cette colère n’est pas aussi ridicule qu’elle le paraît d’abord. Dans un pays où le moindre almanach est censuré cinq ou six fois, un homme blâmé dans une page imprimée est abandonné par le pacha. Dès lors il est perdu ; l’être le plus abject peut lui lancer le coup de pied de l’âne. Peu importe la vérité ou la fausseté de l’accusation ; elle est imprimée, il suffit.

Cette fureur contre la critique ne sau-