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tendue dévotion, et plus encore au sacrifice d’amour-propre que j’avais été obligé de faire en déclarant que je sollicitais un emploi de cette infâme cour de Naples. Vous savez que j’accepterais plutôt la mort.

« Enfin, ce soir-là, je sortis du salon avant tout le monde, et me plaçai facilement dans l’armoire aux balais. Si vous avez aimé, jugez du tremblement qui me saisit, quand, vers une heure, ayant entendu cesser depuis longtemps tous les bruits de la maison, je me hasardai à aller gratter à la porte de cette terrible chambre à coucher, où le vieux prince C*** pouvait ne pas dormir. La clef de la porte de sa chambre doit être énorme, me dis-je en y arrivant ; car le trou de l’antique serrure était si grand que je pouvais voir très-bien tout ce qui se passait dans la chambre. Mais, à mon inexprimable étonnement et terreur, je la vis éclairée par une veilleuse qui brûlait au pied du grand crucifix. J’hésitai longtemps. Enfin ma passion pour Lauretta l’emporta ; je crus entendre un peu ronfler le prince, et je me mis à frapper de petits coups. La chambre à coucher des parents étant immense, celle de Lauretta se trouvait fort éloignée. Je frappai bien pendant une demi-heure ; je songeais à abandonner l’ingrate Lauretta et à quitter