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du pays, beau, éloquent ; mais ce matin il était trop ému pour ne me faire qu’une demi-confidence.

« Il y a ici une famille connue de tout le royaume, ainsi que de vous, marquise très-aimable, à cause de son rang et de ses richesses. Elle est composée d’un vieillard encore vert, de soixante-dix ans, plein de vigueur et de sévérité ; de sa femme, très-fine, très-soupçonneuse, très-fière de son rang, autrefois très-belle, aujourd’hui fort dévote, et enfin d’une fille très-jolie, de dix-sept à dix-huit ans, qui ressemble à la madone du marquis Rinucci. Je lui parle souvent. C’est la plus belle fille de toute la province, et le trait principal de son caractère, celui qui donne un air céleste et bien singulier, en ce pays, à sa charmante physionomie, c’est une expression de sérénité parfaite et même de bonté. Voilà ce que je n’ai jamais vu à Rome. Je m’étonnais souvent, en parlant à donna Fulvia, une amie de la famille, que Lauretta n’eût point d’amoureux à dix-huit ans, et non mariée. Dix-huit ans ici, c’est comme vingt-quatre à Bologne. Il n’y a pas encore huit jours, qu’étant à la soirée du prince C…lo, le père de Lauretta, la Fulvia me disait : Ignorez-vous que le prince C*** n’entend pas raillerie ? Vous voyez qu’il n’a dans sa maison rien moins que