Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, I, 1927, éd. Martineau.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tout est gouverné ici par des prêtres. Les laïques, quoique ducs ou princes, n’occupent aucune place. Or figurez-vous un jeune paysan borné, ou un jeune fils de cordonnier, qui fait son cours de théologie et apprend, pendant dix ans, à se payer de vaines paroles sur toutes sortes de sujets. Quelle tête pourrait résister à dix années ainsi employées ? Pour moi, mon étonnement c’est qu’ils ne soient pas encore plus fous. S’il est honnête, croyant, point intrigant, ce prêtre reste sot toute sa vie. Arrive un cardinal Consalvi, qui cherche la vertu unie au manque de lumières, ce sot devient cardinal et légat, c’est-à-dire despote tout-puissant. Il ne peut redouter au monde que l’évêque ou l’archevêque de sa résidence, aussi borné que lui. On ne parle ici que de la niaiserie profonde unie à la parfaite honnêteté de monsignore Pandolfi, vice-légat du voisinage.

Tout serait perdu sans la modération. Tel vieux légat est imbécile ; mais il laisse aller les choses à leur cours naturel, et c’est en effet un marasme graduel qui, depuis deux cents ans, détruit et dépeuple l’État du pape. Heureuses les provinces qui ont pour légat un fripon énergique ! Il a cent caprices, il vole, il se venge illégalement de ses ennemis ; mais son esprit le porte à faire une digue, un pont, un