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porta solennellement au pape Pie VI tous ses droits à l’héritage de son frère. On vit alors Pie VI disputer, devant son propre tribunal, nommé par lui, l’héritage de la fille de la marquise. Quelques serviteurs dévoués cherchant à lui faire entendre que de mauvais esprits pourraient mal interpréter cette démarche, Pie VI répondit noblement : « Une fortune de cinq millions n’est pas une chose sur laquelle il faille cracher. » Il avait oublié que les juges de la Rote votent en secret. La majorité de ce tribunal eut assez de conscience pour condamner le souverain ; mais la police du pape découvrit bientôt le nom des juges trop honnêtes, et ils reçurent l’ordre de ne plus paraître à la cour, ce qui n’est pas peu de chose, car le plus ancien juge de ce tribunal, composé de prélats, est ordinairement fait cardinal. Tout prélat, à Rome, ne vit que dans l’espoir du chapeau, et voit sa considération croître ou diminuer dans le monde, suivant le plus ou moins de chances qu’il a d’y parvenir. Après cet exemple de sévérité, le pape en appela à un autre tribunal qui se montra moins intègre que la Rote. Une partie des biens du marquis Lepri passa au prince Braschi, neveu de Pie VI, et que nous avons vu à Paris vers 1810 ; Napoléon l’avait fait baron. On dit que la famille Lepri est en