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ne le comprend pas ? Le Dante, adoré aujourd’hui en Italie, passait pour un barbare ennuyeux, il n’y a pas cinquante ans, et rien ne prouve qu’en 2000 il ne sera pas négligé de nouveau pendant un siècle ou deux. Ce soir, à l’aimable société de M. Degli Antonj, je me suis aperçu que mon goût particulier pour l’école de Bologne était d’accord avec l’honneur national de ce pays ; je m’étais résolu à mentir, pour ne pas me faire des ennemis comme à Milan. C’est un grand soulagement de n’y être pas obligé. J’ai bavardé sur les arts comme une pie, et ce n’est qu’au bout d’une heure que je me suis aperçu que l’homme auquel je parlais était un prélat, ma di quelli fatti per il capello. Il a paru content de moi ; il est aide de camp du cardinal Lante, légat de Bologne, c’est-à-dire pacha tout-puissant. Entre autres choses, qui passeraient pour hardies ailleurs, mon prélat me disait : Pie VI sut régner ; dans un État nécessairement tranquille et sans guerre, il sut discerner la passion dominante parmi ses sujets, durant la portion de siècle appelée par le hasard à lui donner les délicieuses jouissances du pouvoir. — Eh bien ! a dit quelqu’un, aucun des rois actuels n’a cet esprit. Tous se moquent fort de leur successeur, et toutefois ils se font siffler et sacrifient