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en portent. Je ne sais quelle sensation de froid et de malheur éloignerait de son livre. Qu’il compose, au contraire, dans le style du Génie du Christianisme, ou de M. Guizot, et s’il a des idées, d’emblée il obtient un grand succès. Vous voyez toute l’étendue de la violence qu’osèrent faire à leur siècle Louis Carrache et ses deux cousins, l’immortel Annibal et Augustin. Or, ils n’avaient pour vivre que le produit de leurs pinceaux. Plusieurs fois ils furent sur le point d’abandonner le genre naturel et simple pour flatter l’affectation à la mode. Le récit des conseils qu’ils tenaient à ce sujet, en présence de leur grande pauvreté, donne le plus vif intérêt à certains endroits de la Felsina Pittrice. Les Carrache[1], comme on sait, formèrent le Dominiquin, le Guide, Lanfranc, et une foule de bons peintres du second ordre, qui seraient sans rivaux s’ils vivaient de nos jours. N’aimant au monde que leur art, ils gagnèrent l’équivalent de quinze cents francs à deux mille francs par an toute leur vie, et moururent pauvres, en cela bien différents de leurs illustres successeurs. Mais on parle d’eux deux siècles après leur mort, et quelques êtres romanesques regardent quel-

  1. Louis Carrache, né en 1555, mort en 1619.
    Annibal, Carrache, né en1560, mort en1609.
    Augustin, arrache, né en1558, mort en1601.