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J’ai vu des galeries magnifiques : Mareschalchi, Tanari, Ercolani, Fava, Zambeccari, Aldrovandi, Magnani, et enfin le musée de la ville. Avec d’autres dispositions, j’y aurais trouvé vingt matinées heureuses ; mais il y a des jours où le plus beau tableau ne fait que m’impatienter. Je dirai, à la vanité du lecteur, que je note cet accident, non pour le vain plaisir de parler de moi, mais parce que c’est un genre de malheur que l’on ne prévoit point. N’avoir que vingt-quatre heures à passer dans une maussade petite ville, et, pendant ce temps, ne pas se trouver une once de sensibilité pour le genre de beauté qui vous y a fait venir ! Je suis très-sujet à ce malheur.

Je l’ai éprouvé devant la belle madone en pied du Guide, au palais Tanari. Ce jour-là je pensais à tout autre chose qu’à la peinture. Je suis sorti de cette galerie avec une humeur de dogue, que la belle copie (belle à cause de la beauté de l’original) du saint André du Dominiquin, n’a pu calmer. Cette fresque sublime, si méprisée des artistes français, élèves de David, est à Rome à San Gregorio. À Bologne, des soldats français, logés un jour au palais Tanari, trouvèrent plaisant de cribler de coups de baïonnettes cette toile immense. Un jeune comte Tanari s’en plaignait, à