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Samoggia, 20 décembre. — J’ai eu de curieux détails sur le collège des Jésuites à Modène, et sur l’art avec lequel on cherche à détruire toute générosité dans le cœur des élèves, et à fomenter l’égoïsme le plus sordide. Mes détails remontent à l’année 1800 ; alors, M. de Fortis, actuellement l’un des chefs de son ordre, était employé au collège de Modène. On excitait les élèves à se dénoncer les uns les autres ; on citait les délateurs comme des modèles de sagesse. « Faites ce qui vous plaît, disait-on à un élève, dites ensuite Deo gratias, et tout est sanctifié. » Il y a ici une rue avec un charmant portique soutenu par des colonnes élégantes. C’était à Modène que jadis on voyait la Nuit du Corrége. Auguste, électeur de Saxe et roi de Pologne, acheta cent tableaux de la galerie de Modène pour un million deux cent mille francs, et c’est à Dresde que j’ai admiré la Madeleine, la Nuit, le Saint-Georges, etc. Hier je me suis détourné de la route directe pour visiter Correggio. C’est là que naquit, en 1494, l’homme qui a su rendre, par des couleurs, certains sentiments auxquels nulle poésie ne peut atteindre, et qu’après lui Cimarosa et Mozart ont su fixer sur le