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dont se compose la journée. Je suis persuadé que plus d’un Anglais, pair et millionnaire, n’ose pas croiser les jambes quand il est seul devant son feu, de peur d’être vulgaire[1].

Ce qu’il y a de plaisant, c’est que la même peur d’être vulgaire poursuit le commis marchand qui gagne deux cents guinées en travaillant de sept heures du matin à neuf heures du soir. Pas un Anglais, sur cent, n’ose être soi-même ; pas un Italien, sur dix, ne conçoit qu’on puisse être autrement. L’Anglais n’est ému qu’une fois par mois, et l’Italien trois fois par jour.

En France, où le caractère manque (la bravoure personnelle, fille de la vanité, n’est pas du caractère : voyez les élections et les peurs qu’elles causent) ; en France, c’est aux galères que se trouve la réunion des hommes les plus singuliers. Ils ont la

  1. Voir en preuve les admirables Mémoires de miss Wilson, Matilda, Tremaine.

    Un livre de la nature de celui-ci dure si peu, que je suis obligé de remplacer par des allusions aux choses de 1826, beaucoup de petites allusions et façons de parler que je trouve dans mon journal. J’écrivais chaque soir en 1816, mais je n’envoie à l’impression en 1826 que ce qui me semble encore vrai. J’ai passé en Italie les années 1820 à 1826. Six années de voyages en ce pays, auquel La plupart des voyageurs n’accordent que six mois, sont mon seul titre à la confiance du lecteur, et compensent peut-être le manque de savoir et de style. J’ose dire la vérité, ce qui m’expose aux injures les plus sales dans les journaux littéraires italiens. (Note ajoutée en 1826.)