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Pavie, 15 décembre. — Quatorze années du despotisme d’un homme de génie ont fait de Milan, grande ville renommée jadis pour sa gourmandise, la capitale intellectuelle de l’Italie. Malgré la police autrichienne, aujourd’hui, en 1816, on imprime dix fois plus à Milan qu’à Florence, et pourtant le duc de Florence joue le bonhomme.

On rencontre encore dans les rues de Milan trois ou quatre cents hommes d’esprit supérieurs à leurs compatriotes, que Napoléon avait recrutés de Domo d’Ossola à Fermo et de la Ponteba à Modène, pour remplir les emplois de son royaume d’Italie. Ces anciens employés, reconnaissables à l’air fin et à leurs cheveux grisonnants, sont retenus à Milan par l’amour des capitales et la crainte des persécutions[1] ; ils y jouent le rôle de nos bonapartistes ; ils soutiennent qu’avant les deux chambres il fallait à l’Italie vingt années du despotisme et de la gendarmerie de Napoléon. Vers 1808, il devint du bon ton d’avoir des livres parmi les employés du royaume d’Ita-

  1. Tout est changé depuis 1820 : une sorte de terreur règne à Milan. Ce pays est traité comme une colonie dont on craint la révolte.