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à dix lieues de Milan ; et qu’à Paris, Londres, Philadelphie, on ignore jusqu’à l’existence de cette langue. Tant pis pour les habitants de Londres et de Philadelphie, mais qu’est-ce que leur ignorance fait à mon plaisir ? Il est en littérature des genres de mérite délicieux, mais qui ne peuvent pas durer plus de trois ou quatre siècles. Lucien est ennuyeux aujourd’hui comme Candide le sera peut-être en l’année 2.200. Les pédants disent que c’est la durée, et non pas la véhémence du plaisir qui doit décider de l’excellence.

J’ai déjà parlé d’un jeune homme qui écrit dans la langue d’Arioste et d’Alfieri, et qui promet un grand poëte à l’Italie, si fata sinant, c’est Silvio Pellico. Comme il gagne à peine douze cents francs à faire l’exécrable métier de précepteur d’enfants, il n’avait ni assez d’argent ni assez de vanité pour faire imprimer sa tragédie de Francesca da Rimini. C’est M. Louis de Brême qui en a fait les frais. M. Pellico m’a confié les manuscrits de trois autres tragédies, qui me semblent plus tragiques et moins élégiaques que Francesca. Mademoiselle Marchioni, la première actrice tragique de ce pays, disait devant moi à M. Pellico, que Francesca venait d’être jouée cinq fois de suite à Bologne, chose qui n’est peut-être pas arrivée depuis un