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pour adorer même ses ridicules, n’est pas fait pour parler d’art avec moi. Une âme folle, rêveuse et profondément sensible, est encore plus indispensable qu’une bonne tête pour oser ouvrir la bouche sur les statues de Canova que tout Milan va voir chez M. Sommariva, à la Cadenabia (sur le lac de Côme). » J’étais sur le point de faire une plaisanterie sur le grand nombre d’hommes de génie nécessaire pour que chaque jeune homme en eût un pour être mis à l’épreuve. Je me suis souvenu que ces petites mauvaises fois pour amener un mot, prétendu spirituel, glacent les Italiens et à l’instant leur ferment la bouche.

L’on m’a donné ce matin un charmant sonnet de Carline Porta sur la mort du peintre Joseph Bossi, fat célèbre, qui passe ici pour un grand homme.

L’é mort el pittor Boss. Jesus per lù.

Dans une littérature où ce degré de naturel et de vérité est admis, les âmes arides sont mises à la porte par la force des choses. J’aurai peut-être relu dix fois ce sonnet aujourd’hui. Un sonnet n’ayant que quatorze lignes, on ne risque jamais de beaucoup s’ennuyer en le commençant ; j’aime ce genre avec passion. Il y a huit ou dix sonnets en italien qui sont parmi les plus belles choses qu’ait produites l’esprit