Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, I, 1927, éd. Martineau.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps parlé amour, mon rôle étant à chaque instant de nier les conclusions de M. Izimbardi et de me faire conter les anecdotes probantes avec les noms et qualités des personnages, pour bien vérifier qu’on ne mentait pas ; après avoir, dis-je, longtemps parlé amour dans un coin obscur du café de l’Académie, nous nous trouvons avoir débordé les questions les plus difficiles sur la peinture, la musique, etc. ; les résoudre, voir la vérité sur elles, devient presque un badinage. M. Izimbardi me dit : « Quand un jeune homme qui n’a point fait de folies et qui seulement a beaucoup lu ose me parler beaux-arts, je lui ris au nez ouvertement. Apprends à voir, lui dis-je, et puis nous parlerons. Quand un homme connu par quelque long malheur, comme votre ami d’hier soir, m’attaque sur les beaux-arts, je mets le discours sur les petites manies des hommes supérieurs qu’il a rencontrés lorsqu’il avait dix-huit ou vingt ans. Je plaisante sur les ridicules de leur personne ou de leur esprit, afin que mon homme me confesse si alors, dans sa première jeunesse, il remarquait ces ridicules et en jouissait comme d’une sorte de consolation de leur supériorité sur lui ; ou bien, s’il les adorait comme des perfections et cherchait à les imiter. Tout être qui n’a pas assez aimé un grand homme à dix-huit ans,