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passé. Il m’a tenu un gros quart d’heure sous la porte de la Bella Venezia, où je loge. Enfin, deux heures trois quarts sonnaient à l’horloge de Saint-Fidèle comme j’ai commencé à écrire. Si j’avais un secrétaire, je dicterais toute la nuit l’histoire des amours de N*** avec la Violantina. Rien ne peint mieux et plus profondément les habitudes morales de l’Italie. Il y a trente incidents peut-être, tout à fait incompréhensibles en France. Un Français se serait fâché de ce qu’il plaisait à M. N***, et vice versa. (Voir les Mémoires de Casanova.)

Cette histoire a occupé mes oreilles trois heures trois quarts. Je n’ai peut-être pas dit cent mots, et j’ai été constamment intéressé. Il est impossible, me disais-je, qu’un homme aussi profondément ému ait le courage de mentir excepté sur un ou deux faits trop humiliants pour qu’on les raconte. À chaque instant le marquis N*** se reprenait pour mieux me faire voir quelque petite circonstance. Madame R*** a une fausse dent, chose que j’ignorais. Comment fera-t-elle, me disait-il, pour la replacer quand elle se dérangera ? moi-même je l’ai menée à Turin où se trouvait Fonzi qui est mon ami. Je l’ai présentée chez Fonzi sous le nom de la pauvre Marchesina C***, ma sœur ; enfin, personne ne s’est jamais douté de la fausse dent. À son