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la Fulvia. Nous en vînmes aux paroles décisives. Je lui dis, poussé à bout : « Choisissez de Keller ou de moi », et je tirai la porte très-fort en sortant. Le lendemain, elle m’écrivit ces propres paroles :

« Voyagez, mon cher ami ; car nous ne sommes plus qu’amis. Allez passer un mois aux eaux de la Battaglia. »

— Qui l’eût dit, mon cher S… ? après huit années d’amitié ! »

Et là-dessus le marquis de N*** me commence l’histoire de ses amours, à partir du premier jour qu’il aperçut la Violantina. J’aime à la folie les contes qui peignent les mouvements du cœur humain, bien en détail, et je suis tout oreilles. Peu importe à N*** si on l’écoute avec intérêt ; il a besoin de parler de la Violantina ; cependant l’émotion de mes yeux lui fait du bien. Aussi quand le petit ballet l’Élève de la nature a fini, à minuit et demi, avait-il encore beaucoup à dire. Nous sommes allés nous réfugier dans le café désert du Casin des Nobles, où nous avons troublé un amant et sa maîtresse qui s’étaient donné rendez-vous dans ce lieu solitaire et public. Là N*** m’a parlé jusqu’à deux heures. Le café s’est fermé ; il m’a reconduit chez moi. Dans la rue, n’étant plus retenu par les lumières, les larmes coulaient le long de ses joues, tandis qu’il me contait son bonheur