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de soie noire à mettre sur la tête en entrant au parterre de quelque théâtre, où, pour le malheur du public, il y a un prince, ce qui emporte l’obligation d’ôter son chapeau[1].

Ce qu’il y a de plus impatientant ou de plus admirable pour un Italien, suivant le sens duquel il prend la chose, c’est un fat français homme d’esprit, qui en une heure de conversation parle d’Homère, d’économie politique, de Bolivar, de Raphaël, de chimie, de M. Canning, du commerce des Romains, du Vésuve, de l’empereur Alexandre, du philosophe Érasme, de Paisiello, de Humphry Davy, et de cent autres choses. Après cette conversation aimable, l’Italien qui s’est efforcé de mettre son esprit au galop pour penser profondément à chacune de ces choses, à mesure qu’elles voltigent sur les lèvres de l’homme d’esprit français, a un mal de tête fou.

Le Français qui veut bien oublier net toutes sortes d’allusions littéraires, et n’ap-

  1. D’après le principe qu’il n’y a de perfection qu’en France, le gouvernement de Napoléon, à Milan, ne permettait pas aux Italiens de garder leur chapeau au parterre de la Scala. À chaque instant deux commissaires de police, apostés pour cela, venaient vous toucher le coude fort poliment, si la peur de vous enrhumer dans cette salle immense vous faisait céder au besoin de mettre votre chapeau. De tout le gouvernement de Napoléon, cette bagatelle est peut-être ce qui a le plus vexé les Milanais. Le prince Eugène manquait de tact pour ces choses-là.