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conversation, je me suis sauvé chez la contessina C***, où l’on a ri et joué au pharaon jusqu’à trois heures du matin. Le pharaon est le jeu italien par excellence, il n’empêche pas de rêver à ce qui intéresse. Le sublime de ce jeu, c’est de le jouer placé vis-à-vis d’une femme que l’on aime de passion, et qui est gardée par un jaloux. Almen cosi si dice.

8 décembre. — Une mère, jolie femme de trente-deux ans, ne se gêne guère ici, pour être au désespoir ou au comble de la joie par amour, devant ses filles, âgées de douze ou quinze ans, et filles très-alertes. Je blâme fort cette imprudence par moi observée ce matin. J’ai pensé à ce que dit Montesquieu, que les parents ne communiquent pas leur esprit à leurs enfants, mais bien leurs passions.

Les femmes jouent, en Italie, un tout autre rôle qu’en France. Elles ont, pour société habituelle, un ou deux hommes qu’elles ont choisis, et qu’elles peuvent punir par le malheur le plus atroce, s’ils viennent à leur déplaire. Dès l’âge de quinze ans, une jeune fille est jolie et peut compter dans le monde, et il n’est pas très-rare de voir une femme faire encore des conquêtes bien au delà de cinquante ans. « Qu’importe l’âge, me disait un jour le comte Fantozzi,