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sortant nous nous sommes arrêtés sous la porte cochère, pour nous livrer au rire fou qui nous suffoquait[1].

5 décembre. — Je sors de l’hôtel des Monnaies (la Zecca). Napoléon appela ici M. Moruzzi, mécanicien de Florence, qui a fait de la Zecca de Milan un établissement fort supérieur à tout ce que j’ai vu à Paris. Comme nos maîtres les industriels ne me feront pas l’honneur de lire un voyage frivole, je passe la description.

M. le chevalier Moruzzi me dit qu’on bâtit une rue nouvelle, la Contrada dei due muri ; j’y suis allé bien vite. Pour faire une rue ici, l’on commence par creuser au milieu de la rue un canal de quatre pieds de profondeur, dans lequel viennent aboutir tous les tuyaux qui du haut des toits conduisent les eaux pluviales dans la rue. Les murs de face des maisons étant de briques, souvent l’on cache ces tuyaux

  1. Un proverbe italien dit : « Un abbé commence par le noir, arrive au violet, de là au rouge, et finit par le blanc. » L’uniforme d’un abbé se porte aux jambes. Il arrive à Rome avec des bas noirs : il en prend de violets quand il est fait monsignore (prélat), comme notre homme de ce soir. Le cardinal a des bas rouges, et enfin le pape porte des bas blancs. Les abbés étant riches, gais et amants des plus jolies femmes, ne sont point ridicules en Italie. La morale y étant parfaitement séparée du dogme, ils ne sont pas tristes comme des ministres protestants. Ils ne deviennent tristes que vers les soixante ans, quand la peur du diable reparaît.