Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, I, 1927, éd. Martineau.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sociale est invisible en amitié. La vanité est tout au plus ici une des passions ; elle est bien loin d’être la dominante et que l’on voit reparaître lorsqu’on devrait le moins s’y attendre chez la petite fille de trois ans comme chez le vieillard de quatre-vingts. Je comprends maintenant ce que Jean de Müller nous disait à Cassel, que le Français est le peuple le moins dramatique de l’univers ; il ne peut comprendre qu’une passion, la sienne ; en second lieu, il a si bien mêlé cette passion à toutes les actions nécessaires de la vie de l’animal nommé homme, la mort, le penchant des sexes, etc., que lorsqu’on lui montre ces actions nécessaires chez les autres peuples, il ne peut les reconnaître. Jean de Müller concluait de là que Voltaire devait être le plus grand tragique des Français, précisément parce qu’il est le plus ridicule aux yeux des étrangers. Pendant huit ans, cette idée a été un paradoxe pour moi, et je l’aurais oubliée sans la grande réputation de l’auteur. L’Allemand, au lieu de rapporter tout à soi, se rapporte tout aux autres. En lisant une histoire d’Assyrie, il est Assyrien ; il est Espagnol ou Mexicain en lisant les aventures de Cortez. Quand il se met à réfléchir, tout le monde a raison à ses yeux ; c’est pour cela qu’il rêve vingt ans de suite et souvent ne