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exactement italienne et qui n’est copiée d’aucun talent célèbre. Madame Monti, l’une des plus belles femmes d’Italie, a joué avec un rare succès les grands rôles dans les tragédies d’Afieri, et dans l’Aristodemo de son mari. Le théâtre Patriotique a coûté des sommes fort considérables à la société qui l’a fondé et qui le soutient en dépit des vœux secrets de la police autrichienne.

C’est M. Locatelli, jeune artiste plein de talent, et de plus excellent comique, qui ce soir m’a donné un billet ; il jouait Achille in Barlassina. Le protagoniste, comme on dit ici, est un soprano du théâtre de la Scala qui redoutant la vengeance du gouverneur de Milan, auquel il vient d’enlever la première chanteuse, prend des vêtements de femme et se réfugie à Barlassina, village de la banlieue. À peine arrivé, la vanité incroyable et particulière aux sopranos porte celui-ci à parler musique et à faire allusion aux applaudissements qu’il a reçus dans telle et telle ville. Aussitôt un dilettante de l’endroit devient amoureux d’Achille, et, qui plus est, entreprenant. Le soprano, qui a cinq pieds dix pouces, paraît dans le costume héroïque d’Achille, à peine recouvert par une robe d’indienne, qu’il a empruntée à la femme de chambre de la prima donna