Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, I, 1927, éd. Martineau.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mêlé de respect que m’inspirent l’expression angélique et la finesse si calme de ces traits qui rappellent la noblesse tendre de Léonard de Vinci ? Cette tête qui aurait tant de bonté, de justice et d’élévation, si elle pensait à vous, semble rêver à un bonheur absent. La couleur des cheveux, la coupe du front, l’encadrement des yeux, en font le type de la beauté lombarde. Ce portrait, qui a le grand mérite de ne rappeler nullement les têtes grecques, me donne ce sentiment si rare dans les beaux-arts : ne rien concevoir au delà. Quelque chose de pur, de religieux, d’anti-vulgaire, respire dans ces traits. On dit que madame M*** a été longtemps malheureuse.

On rêve au bonheur d’être présenté à cette femme singulière dans quelque château gothique et solitaire, dominant une belle vallée, et entouré par un torrent comme Trezzo. Cette jeune femme si tendre a pu connaître les passions, mais n’a jamais perdu la pureté d’âme d’une jeune fille. C’est par des grâces toutes contraires que brillent les traits si fins de la jolie comtesse R***. Que ne puis-je trouver une langue pour expliquer comment ce joli-là n’est pas le joli français ! Tous deux sont séduisants, mais enfin ils sont deux, et fort heureusement pour nous. Combien je sens la