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grandes miniatures aux crayons noir et rouge. M. Carloni a eu l’esprit de conserver des copies de tous les portraits de femmes remarquables qu’il a faits en sa vie. Il en a peut-être cinquante. Cette collection est ce qui m’a le plus tenté, et, si j’avais été riche, je ne l’aurais pas laissée échapper. À défaut de fortune, j’ai eu le plaisir d’amour-propre, ou, si je l’ose dire, d’artiste[1], de me dire qu’avant de voir ce charmant atelier, j’avais deviné la beauté lombarde.

La langue française actuelle ne permet guère de louer avec bon goût une femme, à moins de trois ou quatre phrases formant douze lignes. Il faut employer surtout les formes négatives. Je sais cela. mais n’ai pas le temps de me livrer à tout ce mécanisme ; je dirai donc simplement, et en vrai paysan du Danube, que ce qui ma frappé, en entrant chez M. Carloni, ce sont les traits romains par la forme, et lombards par la douce et mélancolique expression d’une femme de génie, madame la comtesse Aresi. Si l’art du peintre pouvait rendre l’amabilité parfaite, sans l’ombre de l’affectation ou du lieu commun, l’esprit vif, brillant, original, ne répétant jamais ce qui a été dit, ou écrit

  1. Promettant des jouissances pour l’avenir.