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chantantes et tristes. Il est sûr qu’en menant cette vie-ci l’on est bien près de pouvoir être heureux avec deux cents louis de rente. Je passe par la poste aux lettres, où les femmes vont elles-mêmes chercher les leurs, car tout domestique est vendu au mari, à l’amant, ou à la belle-mère. Je reviens par la place du Dôme à la Corsia dei Servi, où il est inouï que l’on ne rencontre pas, vers midi, une ou plusieurs des douze plus jolies femmes de Milan. C’est en flânant ainsi que je me suis fait une idée de la beauté lombarde, l’une des plus touchantes, et qu’aucun grand peintre n’a rendue immortelle par ses tableaux, comme le Corrége fit pour la beauté de la Romagne, et André del Sarto pour la beauté florentine. Le défaut de cette dernière est d’avoir quelque chose de la raison virile que l’on ne voit jamais chez les Milanaises ; elles sont bien femmes, quoiqu’au premier abord elles paraissent terribles à l’étranger arrivant de Berlin, ou pas assez affectées à qui sort des salons de Paris. Appiani a peu copié les têtes milanaises, on en retrouverait plutôt quelques traces dans les Hérodiades de Léonard de Vinci.

Enfin, l’on m’a conduit hier à l’atelier de M. Carloni, peintre de portraits, qui a l’instinct de la ressemblance. Il fait de