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neige. C’est un des plus jolis lointains dont l’œil puisse jouir. Du côté de la ville, ce sont les jolies prairies de M. Krammer et, par-dessus les arbres de la villa Belgiojoso, la flèche du Dôme. Cet ensemble est joli, mais ce n’est point pour en jouir que toutes les voitures font halte pendant une demi-heure sur le Corso. C’est une sorte de revue de la bonne compagnie. Lorsqu’une femme ne paraît pas, on en demande la raison. Les fats s’y montrent à cheval sur des bêtes de deux cents louis ; les jeunes gens moins riches et les hommes d’un certain âge sont à pied. Le dimanche tout le peuple vient voir et admirer les équipages de ses nobles. J’ai surpris souvent de l’attachement dans les propos du peuple. Le charpentier, le serrurier de la maison, fait un petit salut au domestique qui depuis vingt ans monte derrière la voiture de la casa Dugnani, et si le maître aperçoit le marangone di casa (le menuisier de la maison), il lui fait un signe de tête plein de bonté. La voiture d’une jolie femme est entourée d’élégants. Les dames nobles n’admettent guère leurs amis du tiers à leur faire la cour ainsi en public. Les femmes âgées ont une sorte de conversation singulière avec leurs valets de chambre, dont le poste, dès que la voiture s’arrête, est à