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Cet esprit tout français me fait penser à l’énorme distance intellectuelle qui sépare notre pique-nique d’un dîner français. Cela est incroyable à dire et je me tais.

J’ai échoué aujourd’hui dans mes tentatives pour être présenté au célèbre Melzi d’Eril, duc de Lodi. C’est le pendant du cardinal Consalvi. En général rien de moins accessible qu’une maison milanaise ; dès qu’il y a une femme passable, l’amant s’oppose aux présentations. Ce qu’il y aurait de mieux si l’argent et la morale n’étaient pas un obstacle, ce serait de se mettre à entretenir la plus jolie chanteuse que l’on pourrait trouver. Tous les vendredis on donnerait un excellent dîner à quatre amis, jamais plus ; et ensuite soirée avec du punch. Les amants n’auraient plus peur de vous. Il faudrait encore aller régulièrement au Corso tous les jours. Je n’ai jamais pu m’astreindre à cette partie de mon plan de conduite, la seule qui fût à ma portée. En été, après dîner, à la chute du jour, à l’Ave Maria, comme on dit ici, toutes les voitures du pays se rendent au Bastion di porta Rense, élevé de trente pieds au-dessus de la plaine. La campagne vue de là ressemble à une forêt impénétrable, mais au delà on aperçoit les Alpes avec leurs sommets couverts de