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M. Moscati a peut-être quatre-vingt-dix ans ; il était dans le salon où j’ai eu l’honneur de lui parler, avec son grand cordon rouge et un petit bonnet de velours vert sur le sommet de la tête. C’est un vieillard vif et allègre, point gémissant. On le plaisante sur sa singulière manière de passer la nuit ; il prétend que rien n’est plus sain pour un vieillard. « Les idées tristes sont le poison de la vieillesse. Montesquieu n’a-t-il pas dit qu’il faut corriger le climat par la loi ? Je vous assure que rien n’est moins triste et colérique que mon petit ménage. »

L’art salutaire, comme on dit ici, ne peut peut-être présenter nulle part une réunion d’hommes aussi distingués que MM. Scarpa, Razori, Borda, Paletta.

J’ai parlé peinture avec M. Scarpa. Les gens forts de ce pays dédaignent les lieux communs, ils ont le courage de hasarder les idées qui leur sont personnelles ; ils s’ennuieraient à répéter les autres. M. Scarpa prétend que les biographies emphatiques publiées par des sots sur Raphaël, le Titien, etc., empêchent les jeunes artistes de se distinguer. Ils rêvent aux honneurs, au lieu de ne demander le bonheur qu’à leur palette ou à leur ciseau. Raphaël refusa d’être cardinal, ce qui était le premier honneur de la terre, en 1512.