Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, I, 1927, éd. Martineau.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’on a quitté le salon ; les Milanais n’aiment pas la danse. Nous sommes allés huit ou dix prendre des tasses de café con panera au café des Servi, où M. Locatelli, le héros de la soirée, nous a dit encore deux petites scènes. On a récité huit ou dix sonnets, a la vérité un peu libres. Les garçons de café riaient autant que nous, et placés à trois pas de nous. En Angleterre, dans le pays de la dignité de l’homme, cette familiarité nous eût remplis d’indignation. J’ai ri de neuf heures à deux ; pendant ces cinq heures, j’ai eu dix fois peut-être les larmes aux yeux. Souvent nous avons été obligés de supplier M. Locatelli de s’interrompre ; le rire nous faisait mal. Une telle soirée, de toute impossibilité en Angleterre, est déjà bien difficile en France. La gaieté italienne est une fureur. Ici l’on rit peu par complaisance ; deux ou trois personnes qui se sentaient tristes ont quitté la brigata.

28 novembre. — Je suis retourné ce matin à Saint Ambreuze (Sant Ambrogio) à cause de la mosaïque de la voûte du chœur. J’ai revu la jolie façade de la Madone de San Celse, par l’architecte Alessi. Le portique, qui respire je ne sais quoi de la simplicité antique unie à la mélancolie du moyen âge, est de Bramante, l’oncle de Raphaël. Ce qui me plaît le