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voisin que pour s’en méfier ou le haïr. Depuis le moyen âge, chaque ville exècre la ville voisine ; l’habitude de ce sentiment fortifie la défiance d’individu à individu. L’Italie doit tout à son moyen âge ; mais, en formant son caractère, le moyen âge l’a empoisonné par la haine, et ce beau pays est autant la patrie de la haine que celle de l’amour.

M. Marliani me raconte une foule d’anecdotes sur Verri et Beccaria. Ces philosophes n’eurent jamais à s’occuper d’être piquants, mais seulement de convaincre leurs concitoyens par de bons raisonnements exposés bien clairement et bien au long. L’impératrice Marie-Thérèse, qui ne comprenait pas trop de quoi il s’agissait, apprenant qu’un d’eux, Beccaria, je crois, était appelé à une cour étrangère comme le fameux Lagrange de Turin, par pique de vanité le retint à Milan. M. Marliani a été l’ami intime du vertueux Parini, le célèbre auteur du Giorno (satire qui a une couleur particulière et ne rappelle ni Horace ni Juvénal). Parini, grand poëte qui vécut extrêmement pauvre, nommé professeur de littérature par le gouvernement autrichien, sous le nom de littérature, donna des leçons de vertu et de bon sens à tous les Milanais des hautes classes. Parini, dont M. Marliani m’a