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à la tête d’une société qui s’occupait de passions et non de petites victoires de vanité, Verri et Beccaria n’eurent pas besoin de ce genre de succès. Beccaria, auteur du Traité des délits et des peines, reçu à bras ouverts par la société de Paris et à la veille d’y être à la mode comme Hume, se dérobe à tant de bonheur et revient au galop à Milan : il craignait d’être oublié par sa maîtresse.

Verri et Beccaria ne furent point obligés, comme d’Alembert, d’Holbach et Voltaire, à démolir par le sarcasme toutes les sottises qui pesaient sur leur patrie. Dans le pays des passions, la plaisanterie n’est qu’un délassement. Tout homme passionné :

1o  Est occupé et n’a pas besoin qu’on l’amuse ; faute d’amusements, il ne risque pas de tomber dans l’abîme de l’ennui, comme madame du Deffand (Lettres à Walpole, passim).

2o  Quelque peu d’esprit que vous veuillez lui accorder, il s’est vu plaisanter sur les objets de ses passions. La première des vérités d’expérience pour lui, c’est qu’une plaisanterie ne change rien au fond des choses.

3o  L’Italien, à l’exception des gens très-riches ou très-nobles, se moque fort de l’approbation du voisin. Il ne songe à ce